Les grèves fragilisent-elles le gouvernement Michel ou les syndicats ?

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L’accumulation des grèves et manifestations fragilisera-t-elle le gouvernement Michel ou se retournera-t-elle contre ses initiateurs ?

Toutes les grèves n’ont pas le même poids. Pendant un mois, les gardiens de prison ont rejeté toutes les propositions du ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) dans ce qu’il faut bien appeler l’indifférence générale. Quand les cheminots débraient de manière impromptue, l’impact est sans commune mesure. On s’émeut bien plus du sort des étudiants, pris de court pour se rendre à leurs examens, que de celui des prisonniers privés de visites et d’accès aux douches.

Les syndicats du rail disposent d’un énorme pouvoir de blocage. C’est pourquoi, ici plus qu’ailleurs, les actions de mauvaise humeur doivent respecter des préavis, afin que les usagers puissent prendre leurs dispositions. Il n’en fut rien lors de la diffusion d’une proposition de révision des “jours de crédit” du personnel de la SNCB. Ils ont été accordés il y a une vingtaine d’années quand l’entreprise a décidé de continuer à fonctionner en régime de 40h/semaine, en dépit du passage officiel aux 36 ou 38 heures. Les cheminots ont alors reçu 13 jours de crédit ou de récupération par an. Logique.

Vingt ans plus tard, la direction du chemin de fer entend revoir le système pour améliorer la productivité globale dans l’entreprise : on ne comptabiliserait plus de récupération pour les journées non prestées (vacances, maladies, etc.). Un travailleur perdrait ainsi un jour de crédit par tranche de 18 jours d’absence. Cela peut sembler logique : celui qui n’a pas travaillé n’a pas presté 2 ou 4 heures de plus que prévu. Les syndicats estiment, eux, que ces jours de crédit font partie intégrante de la rémunération et ne doivent pas être liés à une présence effective au travail. Ils ont déclenché une grève sans préavis. Elle a duré jusque ce vendredi et a provoqué des records d’embouteillages autour de (et dans) Bruxelles.

Les accords internes à la SNCB prévoient la possibilité d’infliger des amendes aux personnes partant en grève sans suivre les procédures normales de préavis, sans laisser le temps aux usagers de trouver des formules alternatives de déplacement. ” Le protocole est très clair, je pars du principe que la SNCB examine la manière dont elle va l’exécuter”, a commenté le vice-Premier ministre Kris Peeters (CD&V). Beau dilemme : réclamer ces amendes décuplerait l’ardeur syndicale, ne pas les réclamer signifierait l’inutilité de ce protocole.

Deux éléments d’actualité pèsent sur cette action syndicale à la SNCB. Le premier, c’est le débat sur les voitures de société. Le système fiscal imaginé pour contourner le coût élevé des salaires bruts n’a guère de sens environnemental et de plus en plus de voix, y compris dans le monde patronal, s’élèvent pour réclamer son remplacement par un “paquet mobilité” intégrant voiture, vélo, transports en commun etc. Très bien. Mais 400.000 voitures de société, c’est aussi 400.000 personnes qui ne paient pas leurs déplacements professionnels et ne sont pas pénalisées par une grève du rail (si ce n’est par une perte de temps). Si on supprime l’avantage de la voiture de société, ces personnes prendront le train et cela gonflera mécaniquement le pouvoir de blocage des syndicats de cheminots… Un élément qu’il ne faudrait peut-être pas complètement occulter du débat.

Le second élément, c’est bien entendu la contestation sociale plus large. Cette grève des cheminots s’ajoute à toutes les autres, à ces semaines déjà rythmées par les manifestations. D’où une impression de chaos qui ravit sans doute les plus radicaux, mais aussi un ras-le-bol chez les autres. Le risque de “l’action de trop” ne peut être exclu. D’autant qu’il y aura encore une grève nationale le 24 juin (soutenue par la seule FGTB) et que la CGSP menace d’une nouvelle grève pour le 12 juin…

MÊME LES MAGISTRATS DÉBRAIENT

Les cadres légaux ne sont plus remplis et l’Etat “oublie” de publier tous les postes vacants, les bâtiments se détériorent, le parc informatique pâtit de budgets sans cesse réduits… Dans le monde de la justice aussi, la coupe est pleine. Au point que, fait rarissime, des actions tournantes sont prévues en commençant par les arrondissements de Nivelles et Bruxelles. “On voit le résultat de ces coupes linéaires qui ne tiennent pas compte de la réalité du terrain, confie Thierry Marchandise, juge de paix émérite à Charleroi et membre du conseil d’administration de l’Association syndicale des magistrats. Cela concerne également les greffiers et les employés qui, dans certains endroits, ne sont plus que deux alors que le cadre prévoit six personnes.”

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