Feu vert pour les actions aériennes?

British Airways est la compagnie qui devrait le plus profiter de la reprise des vols transatlantiques par les Européens. © Getty Images

Avec la fin du “travel ban” aux Etats-Unis, les compagnies aériennes voient se rouvrir le corridor commercial le plus rentable du secteur. Voilà qui offre des opportunités, même s’il faut encore s’attendre à une grande volatilité.

Alors que les Bourses sont clairement en perte de vitesse depuis un mois, un secteur parvient à tirer son épingle du jeu. Loin des remous agitant la Chine ou les taux de référence sur les marchés obligataires, l’aérien profite en effet du ralentissement de la pandémie et de levée des restrictions de déplacement.

Selon les données de la publication en ligne Our World in Data, plus de la moitié de la population est désormais vaccinée sur tous les continents, sauf en Afrique. Et malgré la forte contagiosité du variant Delta, les infections mondiales évoluent de nouveau à la baisse depuis la fin août. Si certains foyers de contamination régionaux subsistent, les restrictions de voyage internationaux peuvent ainsi être progressivement supprimées. Fin septembre, les Etats-Unis ont annoncé la levée de leur interdiction d’entrée ciblant notamment les voyageurs de l’Union européenne, du Royaume-Uni, du Brésil, de Chine ou d’Inde. A partir de début novembre, les personnes entièrement vaccinées seront ainsi à nouveau les bienvenues sur le territoire américain sur présentation d’un test de dépistage négatif récent et avec traçage par les compagnies aériennes.

Les opportunités actuelles sont paradoxalement bien meilleures que si la pandémie n’avait pas eu lieu.”

Alan Custis (Lazard Asset Management)

Après un travel ban de plus d’un an et demi, cette levée de l’interdiction est évidemment très attendue par les touristes, les hommes d’affaires et toutes les familles séparées par l’Atlantique.

Tous concernés

Cette reprise attendue des vols vers les Etats-Unis est aussi une excellente nouvelle pour le secteur aérien, tout particulièrement les compagnies historiques. Le long-courrier et les vols transcontinentaux sont en effet leur chasse gardée, surtout depuis les déboires de Norwegian Air, la principale compagnie low cost ayant développé une importante offre sur cette distance. Le corridor commercial de l’Atlantique Nord, reliant l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord, est considéré comme le plus rentable du secteur. Mais la reprise des vols transatlantiques est aussi une bonne nouvelle pour les compagnies plus actives sur le court et moyen-courrier comme les low cost Ryanair, Easyjet ou Southwest aux Etats-Unis, puisque nombre de voyageurs internationaux doivent ensuite reprendre une ou des correspondances vers leur(s) destination(s) finale(s).

Lufthansa est une des compagnies actuellement les moins appréciées des analystes.
Lufthansa est une des compagnies actuellement les moins appréciées des analystes.© Getty Images

Intrinsèquement, la reprise des vols internationaux plaide donc en faveur du secteur aérien. Cependant, les cours ont déjà fortement rebondi. Aux Etats-Unis, la compagnie low cost texane Southwest s’échange au même cours que début 2020. Ryanair fait encore mieux puisque le titre a progressé depuis le début de la pandémie. Ce sont évidemment des exceptions, mais beaucoup d’autres ont récupéré une bonne partie de leurs pertes si l’on tient compte des augmentations de capital qui ont engendré une baisse technique des cours.

Le critère de la capitalisation boursière permet ainsi de mieux évaluer la valorisation actuelle des compagnies par rapport à la période précédant la crise du Covid-19. A l’heure d’écrire ces lignes, Lufthansa affiche une capitalisation de 5,2 milliards d’euros contre 7,8 milliards fin 2019, soit une perte d’un tiers. United Airlines (-29%), Air France KLM (-26%), IAG (-26%), Delta Air Lines (-26%) ou American Airlines (+10%) font même encore (beaucoup) mieux. Même Airbus a quasiment effacé sa perte “pandémique”.

Pourtant, la situation est loin d’être revenue à la normale. Les restrictions de déplacement sont certes progressivement levées, mais demeurent importantes, tout particulièrement en Asie.

Pressions sur les revenus et les coûts

Les perspectives de l’aviation d’affaires restent également assez indécises. Selon une enquête menée par l’agence Bloomberg auprès de 45 grandes entreprises aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, 84% d’entre elles envisagent de dépenser moins en voyages après la pandémie. La majorité prévoit une baisse des budgets comprise entre 20 et 40%. La facilité et l’efficacité des réunions virtuelles, les économies de coûts et la réduction des émissions de carbone sont les principales raisons évoquées pour justifier ces réductions.

L’impact sur les résultats des compagnies aériennes risque d’être d’autant plus important que l’aviation d’affaires était une importante source de profits pour beaucoup. Selon PwC, les voyageurs d’affaires représentaient 12% des sièges occupés avant la pandémie, mais jusqu’à 75% des profits des compagnies, ces clients achetant des billets globalement plus onéreux (classe affaires, remboursables, etc.).

Du côté des coûts aussi, les compagnies aériennes font face à certains vents contraires. Même si les mesures sanitaires sont progressivement réduites, la distanciation (au sol), les contrôles, la désinfection engendrent des surcoûts. Et la hausse des prix de l’énergie, qui commence à toucher aussi le pétrole et donc le kérosène des avions, tombe mal.

Ne pas conclure trop vite

Dans ce contexte, la conclusion qui semble s’imposer serait de surtout éviter le secteur. Pourtant, l’aérien reste en vue sur les marchés et nombre de spécialistes le recommandent. Matt Maley, stratégiste en chef chez le gestionnaire Miller Tabak, évoque “une opportunité d’achat extraordinaire” même s’il s’attend à une importante volatilité au cours des prochains mois.

Selon Moody’s, la hausse des prix du pétrole n’empêchera pas un redressement de la rentabilité des compagnies aériennes. L’agence de notation estime que le rythme de reprise de l’activité sera bien plus déterminant alors que les compagnies peuvent plus facilement s’adapter à l’évolution des prix du carburant dans l’environnement actuel. Les clients ont en effet tendance à réserver plus tard, par crainte de nouvelles restrictions, ce qui permet aux compagnies d’ajuster le prix des billets. L’absence de distanciation sociale permanente en vol est aussi une excellente nouvelle pour les taux d’occupation et la rentabilité.

Au sein du secteur, l’optimisme semble ainsi plutôt de mise. Les compagnies augmentent leurs capacités. Michael O’Leary, patron de Ryanair, a indiqué s’attendre “à une très forte reprise” avec une hausse progressive des tarifs pour atteindre une normalisation à l’été 2022. Pour Ben Smith, CEO d’Air France KLM, la réduction des voyages d’affaires ne va d’ailleurs pas s’inscrire dans le temps: “J’entends beaucoup d’entreprises dire que le jour où elles perdront un client parce qu’il n’y a pas eu de réunion en face à face quelque part, elles reviendront immédiatement à leur façon d’opérer antérieure”.

Dans un secteur régulièrement plombé par les surcapacités engendrant une forte concurrence sur les prix, la crise du coronavirus a aussi eu un effet dissuasif sur les investissements. Entre avril 2020 et août 2021, Airbus a dénombré à peine 110 commandes nettes, 10 fois moins que la seule année 2017. Boeing a même retiré pas moins de 1.000 appareils de son carnet de commandes en 2020 avec 650 annulations et d’autres avions dont la livraison ne pourra vraisemblablement pas être honorée. Notamment parce que la compagnie ou la société de leasing cliente fait face à de graves difficultés financières. Au total, une quarantaine de compagnies ont déposé le bilan en 2020 dont quelques acteurs importants comme Flybe, Norwegian Air, Air Italy ou LATAM Airlines.

Ce qui fait dire à Alan Custis, stratégiste chez Lazard Asset Management, que dans les secteurs de réouverture comme l’aérien, “les opportunités actuelles sont paradoxalement bien meilleures que si la pandémie n’avait pas eu lieu”. Les surcapacités ayant disparu, la concurrence devrait moins peser sur les tarifs.

Quelles compagnies privilégier?

Dans ce contexte, finalement assez tentant pour l’investisseur plus téméraire, quelles compagnies privilégier? Les spécialistes restent convaincus que les low cost ont encore de beaux jours devant elles et plébiscitent tout particulièrement Ryanair en Europe et Southwest aux Etats-Unis. Parmi la vingtaine d’analystes répertoriés, les deux compagnies bénéficient d’un consensus d’acheter avec quasiment uniquement des avis positifs. Sur la base des résultats attendus en 2023, la valorisation est assez attractive à 10 fois le profit attendu en moyenne.

IAG, la maison mère de British Airways, Iberia et Aer Lingus, est actuellement aussi plébiscitée à l’achat – British Airways est en effet la compagnie qui devrait le plus profiter de la reprise des vols transatlantiques par les Européens.

Ensuite, on retrouve easyJet avec un consensus de surperformance. La deuxième compagnie low cost européenne a un potentiel de redressement de 26% d’ici 2023 sur la base de valorisation historique moyenne. L’avis moyen des analystes est aussi de “surperformance” pour les compagnies américaines historiques Delta Air Lines et United Airlines, le marché américain étant davantage concentré et historiquement plus rentable.

Air France-KLM (sous-performance) et Lufthansa (vendre) sont les moins appréciées des analystes alors qu’elles étaient déjà en difficulté avant la pandémie. Les deux compagnies ont bénéficié d’importantes aides publiques durant la crise. Air France-KLM a dû accepter des concessions et Lufthansa a lancé une importante augmentation de capital pour rembourser (partiellement) l’aide reçue.

Du côté des constructeurs, Airbus a la préférence des analystes (consensus à acheter) alors que le groupe se montre ambitieux, prévoyant une accélération des cadences pour atteindre une production record de son appareil phare, l’A320, dès la mi-2023. Boeing (consensus à surperformance) n’a pour sa part pas encore pleinement tourné la page des déboires du 787 Dreamliner. Mais le titre, plus en retard, recèle davantage de potentiel selon les analystes. L’accélération des commandes depuis quelques mois semble toutefois de bon augure.

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